Pendant ces derniers mois, j'ai été formée au travail de
terrain qui m'attendait à Kerguelen au laboratoire de Chizé; j'ai joué au
volley, rencontré mes collègues et d'autres amoureux des terres australes; j'ai fait une journée de formation escalade; j'ai
pris des apéros et passé de bonnes soirées; j'ai fait une semaine de séminaire à l'IPEV à Brest qui m'a permis de rencontrer les hivernants des différents districts et assisté à des présentations sur la logistique, la recherche dans ces districts et d'autres sujets intéressants; j'ai mis les pieds sur le Marion
Dufresne qui dessert les Terres Australes et Antarctiques Françaises; j'ai été
contente de voir que je n'étais pas malade; j'ai compté des piafs avec mes
collègues ornitho toutes les heures du lever au coucher du soleil; j'ai vu mes
premiers albatros et pétrels; je suis arrivée à Crozet où nous n'avons
malheureusement pas eu la chance de débarquer; j'y ai vu mes premiers manchots
et éléphants de mer à la jumelle dans la Baie du Marin; j'ai eu un premier coup
d'émotion alors que les personnes qui s'apprêtaient à faire leur hivernage sur
Cro nous ont quitté; je suis arrivée à Kerguelen, et j'ai découvert la base de
Port-aux-Français, home sweet home! J'ai rencontré des gens exceptionnels de
tous corps de métier; j'ai fait des manips dans toute la Péninsule Courbet et
dans une des îles du Golfe du Morbihan; j'ai fait des longs transits; j'ai eu
mal aux pieds à cause d'ampoules; je n'ai jamais autant apprécié arriver à bon
port; j'ai vécu dans des cabanes; je ne me suis pas douchée pendant des jours;
j'ai aimé être à l'intérieur d'une cabane lorsque le vent dehors soufflait fort
et la faisait vibrer; j'ai eu froid parfois; j'ai profité des radians pour me
réchauffer; j'ai contemplé de magnifiques levers et couchers de soleil, et des
nuages comme on en voit qu'ici; j'ai tenu des manchots, des cormorans, des
albatros et des pétrels dans mes mains; j'en ai appris beaucoup; j'ai aimé mon
boulot; j'ai cherché les rennes souvent, et alors que je désespérais d'en voir,
un est apparu lors de ma dernière manip'; j'ai trouvé fantastique de pouvoir
m'assoir en haut d'un cirque et de voir passer les grands albatros de si près
que l'on pouvait entendre le bruissement de leurs ailes; je n'ai jamais été
aussi si proche de la nature; j'ai équipé des oiseaux d'appareils permettant
d'étudier leur écologie alimentaire; j'ai vu des dauphins de Commerson; j'ai
fait des tours de chaland, pour me faire déposer en manip' et à la journée, en
« touriste » et j'ai fait des gâteaux au chocolat pour le bosco; j'ai
aimé le sourire et l'accueil des gens lorsque l'on revenait sur base après de
longues périodes; j'ai passé Noël et Nouvel An en cabane avec des collègues;
j'ai passé de bonnes soirées à Totoche; j'ai vu le Marion revenir plusieurs
fois lors des OP et j'étais contente de le voir partir sans avoir à y
embarquer; le Marion a ramené des gens que je ne voulais pas quitter; j'ai
apprécié le confort de ma chambre en rentrant de manip' – mails, téléphone,
douche, radiateur...; je me suis demandée pourquoi l'homme doit toujours tout
détruire; j'ai appris à pêcher des truites, à faire du carpacio et à dépecer
des lapins; le vent, la pluie, la grêle
m'ont parfois empêcher d'avancer; j'ai sauté sur des éléphants de mer; j'ai côtoyé
le plus grand des oiseaux volants; j'ai apprécié vivre dans un monde où l'homme
avait moins modifié l'environnement que dans la plupart des lieux où je m'étais
rendu; j'ai aidé le Popchat; j'ai eu mes moments Benny Hill en courant après
des otaries pour essayer de les attraper; j'ai eu de l'acaena partout sur mes
vêtements et j'ai pesté; j'ai attrapé des petits d'otaries pour les mesurer et
peser et c'était du sport; j'ai ri, j'ai pleuré; j'ai voulu que le temps
s'arrête parfois; j'ai connu Armor et Port-Jeanne-d-Arc, deux sites marqués par
deux tentatives vaines d'exploitation de ce territoire sauvage comme si la
nature, ici, refusait de se plier et de fournir à l'homme ce qu'il était venu
chercher, du moins sur le long terme; j'ai vu des aurores australes danser dans
le ciel; j'ai pris plein de photos; je n'ai jamais trouvé les mots aussi
futiles pour décrire à mes proches l'intensité de l'expérience que j'étais en train de vivre; j'ai reçu
des lettres et des colis du bout du monde qui m'ont fait très plaisir; j'ai
trouvé qu'il est beau de réaliser ces rêves; j'ai admiré des ciels purs, plein
d'étoiles et cherché la croix du sud; j'ai quitté des gens merveilleux et j'ai
pleuré; le Marion Dufresne m'a ramené; j'ai passé quelques jours à Amsterdam;
j'ai été étonnée de revoir des fleurs et des papillons; j'ai vu une myriade
d'arc-en-ciel venir et disparaître en une seule journée; j'ai découvert
d'autres paysages inédits; j'ai mangé des langoustes; j'ai vu encore plus
d'otaries; j'ai fait des soirées au Cabanon où l'accueil était génial; j'ai vu les orques passer tout près du bateau comme pour nous faire un dernier salut; j'ai eu
la chance de voir Saint-Paul; j'ai été paumée à mon retour à la Réunion et
encore plus en métropole; j'ai été touchée par le syndrome austral; je n'ai pas
gardé contact avec certaines personnes avec qui je m'attendais à communiquer et
j'ai eu la surprise de rester en liaison avec d'autres avec qui je pensais
moins bien m'entendre; je n'ai pas toujours compris ce que faisaient les gens à
mon retour dans la « vraie vie » et j'ai trouvé absurdes certains
aspects de celle-ci; je suis revenue à Chizé et j'ai retrouvé des copains; j’ai
commencé à préparer la suite en postulant sur des thèses; j'ai traité des
données et j'ai préparé mon premier article scientifique; je me suis juré d'y
retourner. Je pourrai rajouter à cette liste encore tant de choses, mais je
pense que vous avez compris. Alors à tous ceux qui m'ont permis de vivre ce
rêve, cette expérience unique, je dois un énorme merci: à tous ceux qui m'ont
accompagné, à tous ceux qui m'ont enseigné les connaissances dont j'avais
besoin et tant d'autres, à tous ceux qui m'ont fait rêver, à tous ceux qui
m'ont encouragé, à tous ceux qui m'ont souri, à tous ceux qui m'ont tenu la
main, à tous ceux qui ont fait passé le temps si vite, à tous ceux qui m'ont
donné envie de revenir, à tous ceux qui ne m'ont pas oublié alors que j'étais loin; à tous ceux qui ont respecté cet écosystème unique, à
tous ceux qui ont su ne pas parler aussi parfois, à tous ceux qui m'ont fait
confiance, à tous ceux qui ont le virus austral... Tout ça n'aurait pas été possible sans vous...
During
those past few months, I've trained to do the field work I was hired to do in
Kerguelen in the Center of Biological Studies in Chizé; I've played wolleyball;
I've met my colleagues and other guys who were in love with the southern lands;
I've had a one-day climbing session; I've had drinks and spent nice evenings; I've took part in a week-long seminar at the French Polar Institute in Brest, which allowed me to meet the people about to go overwinter in the different districts and assisted to different presentations on logistics, research in those territories and other interesting themes; I've set foot on the Marion Dufresne,
the boat bringing people to the French Southern and Antarctic Lands; I've been
glad to realize that I wasn't seasick; I've counted marine birds with my
colleagues every hour from sunrise to sunset; I've seen my first albatrosses
and petrels; I've arrived in Crozet where we could unfortunately not get on
land; I've seen there my first penguins and elephants seals, with my binoculars
in the Baie du Marin; my heart missed a beat for the first time when the
persons about to overwinter in Crozet left us; I've arrived in Kerguelen and
discovered the base of Port-aux-Français – home sweet home!; I've met great
people from every kind of occupation; I've done field trips in the Courbet
Peninsula and in one of the islands of the Gulf of Morbihan; I've done long
transits; my feet have hurt like hell because of blisters; I've have never felt
so happy when arriving at destination;
I've lived in huts and cabins; I've not showered for days; I've
appreciated being in a cabin when the wind blew hard outside and made the walls
vibrate; I've been cold sometimes; I have enjoyed heaters to warm up; I've
contemplated beautiful sunrises and sunsets and clouds like you can only see
here; I've hold penguins, shags, albatrosses and petrels in my hands; I've
learned a lot; I've loved my job; I've looked for reindeers often and as I
thought I would never see them, one appeared on my last field trip, I've found
it wonderful to sit on top of a cliff and to see the wandering albatrosses fly
past so close that I could hear the noise of their wings; I've never been
closer to nature; I've fitted birds with different devices to study their
foraging ecology; I've seen Commerson dolphins; I've been on the barge, either
to be dropped off in the field or as a « tourist » and I've baked
chocolate cake for the captain; I've loved the smiles of the people welcoming
us back on base after long periods spent in the field; I've spent Christmas and
New Year in the field with my colleagues; I've spent nice evenings in Totoche,
the bar; I've seen the Marion come back several times during the port
operations and I've been glad to see it leave without having to jump on; the
Marion has taken people I didn't want to leave; I've appreciated the cosiness
of my room when I was back from the field – emails, phone, shower, heater...;
I've wondered why humans always end up destroying everything; I've learned to
fish trouts, to make carpacio and to skin rabbits; rain, snow and hail have
sometimes prevented me from walking straight; I've jumped on elephant seals;
I've stand next to the biggest flying bird there is; I've appreciated living in
a world where men have modified the environment less than in other places I'd
been; I've helped the guy studying cats; I've had « Benny Hill
moments » running after fur seals to try to catch them; I've had spikes of
a local plants all over my clothes and hated it; I've caught fur seal pups to
measure and weigh them and it was a piece of work; I've laughed; I've cried; I've
wanted the time to stop sometimes; I've discovered Armor and Port-Jeanne-d-Arc,
two sites representing two unsuccessful attempts to harvest this wild
territory, as if nature, here, refused to obbey and provide men with what they
came for at least in the long run; I've seen aurora australis dance in the sky;
I've taken a lot of photos; I've never found words that helpless to describe
the intensity of this experience to my kins; I've received letters and packages
from the other end of the world and it made me very happy; I've thought that
realizing one's dream was fantastic; I've admired pure skies full of stars and
looked for the Southern Cross; I've left behing amazing people and I've cried
some more; the Marion Dufresne has brought me back; I've spent a few days on
Amsterdam Island; I've been amazed to see flowers and butterflies after so
long; I've seen a bunch of rainbows come and go in one day; I've discovered new
landscapes; I've eaten lobsters; I've seen even more fur seals; I've spent
evenings in the Cabanon where people were so welcoming; I've seen killer whales next swimming so close to the boat that I felt like they were saying goodbye; I've been lucky enough
to see Saint-Paul Island; I've been lost when back to Reunion but even more to
France; I've been moved by the « southern syndrome »; I haven't keep
in touch with some people I was expecting to keep on communicating with and
I've been surprised to keep in touch with other people I wasn't getting along
with as much; I haven't understood what some people in the « real
life » did when I got back and I've found absurd some aspects of it; I've
gone back to Chizé and I've been glad to see some friends again; I’ve started
to apply for PhDs; I've analysed data
and I've written my first scientific article; I've sworn to myself that I would
go back. I could add to this list so many things but I think you got the point.
So to all the people who have allowed me to live the dream and have this unique
experience I owe to say thank you. A huge thank you to the ones who have
accompanied me, to the ones who have taught me the skills I needed and so much
more, to the ones who have made me dream, to the ones who have encouraged me,
to the ones who have made me smile, to the ones who have hold my hand, to the
ones who have made time fly, to the ones who have given me the will to come
back, to the ones who have not forgotten me even though I was that far away, to the ones who have respected this unique ecosystem, to the ones who
have been able to not say anything sometimes, to the ones who have trusted me;
to the ones who have the « southern virus »... This would not
have been possible without you.
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